Pour Jacky

Beaucoup de gens sont en deuil aujourd’hui, et chacun, de n’importe quel bord, salue une figure emblématique ; il n’avait pas envie d’être un emblème mais il semble bien qu’on n’échappe pas à la reconnaissance.

A côté de l’hommage que nous lui rendons ici, présents à Liège, j’ai entendu depuis mardi dernier, à l’extérieur et de partout, « c’était un sincère, un rassembleur, un vrai futé et un vrai gentil ».

Jacky, chaque personne qui l’entendait avait envie de l’écouter, parce que qui que ce fût qui l’écoutait, y compris en le découvrant, chacun se disait : « Tiens, cet homme me parle » .

Jacky n’avait pas besoin d’être connu pour être reconnu, et innombrables sont celles et ceux à qui il a donné envie de faire de la politique ; à qui il a donné envie de s’impliquer ; à qui il a donné envie de se bouger parce qu’on y croyait vraiment.

Parce que le chemin politique souhaitable était incarné. Jacky était un service citoyen à lui tout seul. nAvec lui, chacun pouvait légitimement se dire « Je compte » parce que pour Jacky, chacun comptait.

L’amitié quant à elle est une chose particulière : elle s’installe sans qu’on sache comment, et le comment n’a aucune importance ; elle s’impose comme une évidence. Elle vient probablement d’un lointain qu’on néglige et d’une proximité qui dévore, et aussi du contraire. Elle est tellement particulière qu’elle persiste au-delà de tout, serait-ce d’un souffle qui disparaît.

Jacky n’était pas seulement un ami, c’était un phare ; le premier phare éteint qui continue de nous éclairer.

Je n’ai jamais personnellement connu un être dont la générosité de soi était vécue à ce point comme une participation à la tendresse générale.

Avec Jacky, nous avons appris que ce qui vaut dans l’héritage, ce n’est pas ce qu’on reçoit mais ce qu’on est capable de transmettre, et aussi qu’il est toujours énormément demandé à celui qui désire d’un désir infini.

Jacky était un homme intensément dans le présent, quel que soit ce présent.

Nous retiendrons tous l’existence de l’être humain Jacky Morael, qui parvenait à prodiguer en même temps, particularité quasi olympienne, la chaleur et la lumière.

Perdre un tel ami, c’est perdre un continent.

Jacky a toujours agi comme si il était à la fois le premier et le dernier homme.

Je ne me tourne pas vers un passé jugé paradisiaque après coup et je ne sanctuarise pas nos jeunes années de croyance lyrique; simplement, l’amitié est parmi ce qui se rapproche le plus d’un certain éden car vous pouvez vous dire, grâce à la confiance partagée, « je n’ai rien à craindre ».

Pouvoir se dire « Je n’ai rien à craindre », c’est somme toute assez rare dans la vie, c’est encore plus rare en politique et pourtant, avec lui, c’était le cas.

Nous ne sommes riches que de nos amis ; nous ne sommes riches que de personnes comme Jacky.
Eric Biérin