Préface au livre

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Merci pour vos enfants ! Réussir la transition écologique

J-M. Javaux, Ed. Luc Pire, 2007

Face au défi écologique, le monde politique a le choix entre deux types d’attitudes : l’évitement ou le courage. La première posture a été  récemment illustrée par le ministre fédéral de I’Environnement. Dans une interview au quotidien flamand De Morgen, Bruno Tobback a crûment  déclaré: « Je sais ce que je dois faire pour prendre à bras-le-corps le problème du climat. Mais je ne sais pas comment je parviendrai ensuite à me faire élire ». Terrible aveu ou lapsus révélateur, le ministre socialiste flamand nous met indirectement en garde contre la tentation du « plus on en parle, moins on en fait ». Celle-ci guette tous les partis traditionnels qui découvrent tardivement l’importance des menaces mais qui, par crainte de I’impopularité, renoncent à mettre en œuvre les politiques nécessaires à leur prévention.

Heureusement, il existe une alternative à l’impuissance. C’est celle d’une écologie qui réhabilite à la fois le plaisir et la démocratie et qui le fait avec la volonté constante de combattre les inégalités et de ne pas réserver la qualité de vie aux plus favorisés. Si nous voulons réellement relever le défi, nous devons en effet nous rendre compte qu’il est possible de simultanément protéger notre environnement, augmenter la qualité de vie de chacun, renforcer la démocratie, lutter contre l’inégalité et l’injustice.
La proposition que Jean-Michel Javaux nous fait va bien dans ce sens.
Ce qu’il nous présente avec Écolo, c’est un chemin à parcourir collectivement pendant les trois prochaines législatures fédérales, pour que la Belgique se réforme dans le sens de l’écologie. Le défi est énorme. La nature n’est pas un créancier facile. On ne négociera pas avec elle un rééchelonnement de la dette écologique, comme nous avons pu étaler l’effort d’assainissement de nos finances publiques.Pour convaincre le plus grand nombre, il faudra d’abord redécouvrir les immenses gisements de qualité de vie et de convivialité que contiennent les propositions écologistes les plus simples. Les dix voyages au pays de l’écologie quotidienne, auxquels nous sommes conviés à la fin de ce livre, forment un avant-goût de la croissance du bien-être que nous pouvons réaliser en utilisant une recette somme toute très simple : un bon mélange de mobilisation citoyenne, un État efficace et intelligent qui pense et agit à long terme et une ferme volonté de distribuer également les bénéfices de l’entreprise… Mais il faudra aussi être capable de faire collectivement preuve de fermeté et bannir un certain nombre de comportements préjudiciables à l’environnement.
Pour bien faire comprendre le défi auquel nous sommes confrontés, je raconte parfois « la parabole de la ligne de coke », dans laquelle je propose d’imaginer un état où la cocaïne, jusque-là en vente libre, serait tout d’un coup interdite. On verrait des manif de dealers dénonçant les brimades que l’autorité leur fait subir, agitant le spectre des milliers d’emplois menacés, invoquant la liberté entravée des consommateurs, au nom d’un positionnement  « purement idéologique », parlant « des autres pays qui de toute façon reprendront la vente et la production si nous les arrêtons »… Or, aujourd’hui, dans notre monde réel, tout le monde ou presque accepte l’interdiction de la vente de cocaïne… La communauté démocratique est donc capable de se donner des règles claires pour empêcher une série de productions néfastes. Aujourd’hui, cela doit également valoir pour une série de comportements qui détruisent le climat… Mais ce ne seront pas quelques technocrates « éclairés », travaillant en vase clos, qui doivent en décider. En 1977 , commentant Ivan Illich, André Gorz exposait déjà clairement le choix auquel nous devons procéder: « Ou bien nous nous regroupons pour imposer à la production institutionnelle et aux techniques des limites qui ménagent les ressources naturelles, préservent les équilibres propices à la vie, favorisent l’épanouissement et la souveraineté des communautés et des individus – c’est I’option conviviale – , ou bien les limites nécessaires à la préservation de la vie seront calculées et planifiées centralement par des ingénieurs écologistes et la production programmée d’un milieu de vie optimal sera confiée à des institutions centralisées et à des techniques lourdes. C’est l’option technofasciste, sur la voie de laquelle nous sommes déjà plus qu’à moitié engagés : ‘convivialité ou technofascisme’ « . Trente ans plus tard, ces quelques lignes du célèbre « Écologie et politique » restent totalement d’actualité. choix que nous devons faire est celui d’une écologie démocratique, conviviale et solidaire. Comme Jean-Michel Javaux, je suis convaincu que c’est le chemin que nous devons prendre pour la planète et pour nos enfants.

Jacky Morael

Ministre d’Etat, ancien Secrétaire fédéral d’Ecolo