Depuis la face cachée de la lune

On connait surtout de la lune sa face visible, celle que l’on voit briller sous la lumière du soleil.

Assez curieusement, et à cause de ses vitesses de rotation propre et autour de la terre, c’est toujours la même face de la lune que nous pouvons observer.

On connait beaucoup de toi cette face exposée aux projecteurs et elle est en effet bien brillante. La face cachée de la lune est néanmoins tout aussi passionnante à découvrir et connaître. C’est surtout cette face de ta personnalité que j’ai eu la chance de découvrir.

Tout a commencé entre nous en 1971. Nous avions alors 12 ans et étions tous réunis dans un grand local de l’Athénée Royal de Vottem. C’était le grand jour de la rentrée. Tu étais assis à la rangée devant moi, ma sœur à côté de moi. Nous devions remplir quelques documents que je ne comprenais pas vraiment. Ma sœur te tapota alors l’épaule et te demanda « tu veux bien aider mon frère ? ».

A partir de ce jour on ne s’est plus quitté.

Je t’avais alors égoïstement influencé à choisir l’option math fort pour que nous puissions rester ensemble aux cours. Si ce choix ne t’a pas aidé pour la suite de ton parcours, il aura au moins démontré qu’une discipline aussi sérieuse, enseignée par un professeur très sérieux, pouvait néanmoins être à l’origine de fous rires parmi les plus mémorables. Cette démonstration par l’absurde que l’on peut rire des mathématiques et son corollaire, que l’on peut rire de tout t’ont fait préférer Desproges à Pythagore. A Pythagore, tu as néanmoins emprunté la logique, la rigueur et le bon sens dont tu as largement fait usage en dehors du domaine des mathématiques.

C’est à cette période également que tu as commencé à pratiquer le Karaté et tu finiras par décrocher plus tard la ceinture noire et même à enseigner occasionnellement cet art martial.

A l’âge de 16 ans, tu découvrais les plaisirs de la moto, en chevauchant ta Suzuki de couleur verte. C’était peut-être un signe déjà !

Nos parcours académiques se sont alors séparés. Après avoir obtenu ton statut d’objecteur de conscience tu t’es alors orienté vers les études de journalisme.

Mais il en est de l’amitié comme d’un élastique. Quand on le tend un peu trop fort, il finit par nous rapprocher de nouveau. C’est avec toi que j’ai découvert ce que signifie le mot ami. Un si petit mot pour désigner quelque chose d’aussi grand.

Ton attachement à ta famille et en particulier à ta maman m’a toujours fort touché. Il faut bien dire qu’elle méritait bien cette attention toute particulière et tu as toujours su lui rendre en retour l’amour qu’elle t’a donné.

On ne peut cependant pas parler de toi sans évoquer Laurie. On ne parle pas d’anatomie sans parler du cœur. On ne parle pas d’un artiste sans évoquer ses chefs d’œuvres. Tu nous a donné la chance de partager tous ces moments d’insouciance, depuis son enfance jusqu’à l’adolescence, ainsi que bien des gâteaux d’anniversaires dont nous aurions tant voulu qu’ils soient bien plus nombreux encore. Elle marquera nos mémoires, nos cœurs et nos vies de manière indélébile.

Je ne pourrai jamais trouver les mots justes et assez forts pour exprimer tout ce que nous avons vécu ensemble. C’est un peu comme si nos ADN s’étaient mélangés.

Si nous sommes tous accablés à ce point aujourd’hui, c’est justement parce que nous avons partagé des moments aussi forts avec toi.

Mais pour ne pas souffrir autant maintenant, seraient-on prêts à renoncer à tout ce que nous avons vécu et qui nous réunit ici aujourd’hui ? je ne le pense pas.

Tu es parti rejoindre Laurie pour toujours en nous laissant un héritage précieux, courageux et fort. Ton fils Tom.

Les bouleversements qui se sont produits dans ta vie ne m’avaient pas permis de le connaître vraiment.

Mais depuis quelques temps, j’ai eu la chance de pouvoir me rapprocher de lui et découvrir à quel point par moment il te ressemble. J’ai retrouvé dans ses gestes, son attitude, sa façon de s’exprimer, le Jacky qui m’a accompagné autant d’années.

Je découvre un jeune homme charmant et courageux qui est manifestement prêt à croquer la vie comme tu as pu le faire et à semer des fleurs dans les trous de nez de la camarde.

Hubert François