C’était il y a 40 ans
C’était il y a 40 ans. Les arcanes mystérieuses de la désignation des temporaires par l’Education Nationale (oui, c’était encore l’Education, Nationale à l’époque) m’ont fait atterrir à l’Athénée Royal de Vottem. Tu y étais élève et on m’avait prévenu : « Il est malin, mais provocateur, rebelle. Il est aussi curieux, assoiffé de savoir, de lecture ».
Odette, ma compagne, professeur de langues, t’emmenait prendre un verre au bistrot du coin pour essayer de te convaincre de l’importance des études.
Ça n’a pas marché tout de suite et tu as tout de même réussi à doubler ta rhéto, ce qui n’est pas donné à tout le monde.

Et puis les relations prof-élève se sont transformées en amitié. Quelques années après nous avons échangé nos parrainages/marrainages. Odette sera la marraine de Laurie, votre fille à Carine et toi, tu seras le parrain de notre fille, Noémie.

Après tes études (philo et journalisme), alors que j’avais activement participé à la création d’ECOLO et que j’avais quitté l’enseignement pour la Chambre des Représentants, tu es venu me trouver pour me proposer de devenir mon assistant, ce que j’ai évidemment accepté. Les conditions de travail étaient spartiates. Ecolo-Liège avait racheté une minuscule maison au 25, rue des mineurs, maison déclarée insalubre et où nous avions fait les quelques travaux indispensables pour faire lever l’insalubrité. Elle était chauffée par des poêles à gaz qui tombaient en panne alternativement. Les interventions et questions parlementaires étaient tapées sur une machine à écrire portative avec du papier carbone pour les copies. Le jour où nous avons reçu une photocopieuse, on a fait la fête.

Mais très vite, le costume d’assistant parlementaire est devenu trop étroit pour toi : tu seras élu au secrétariat fédéral où tu vas travailler avec Paul Lannoye. Je te pousserai à t’y consacrer et donc à quitter ton emploi d’assistant. Comme Secrétaire Fédéral, il t’arrivait de me confier certaines missions comme d’aller dîner avec Isabelle Durand pour avoir mon avis sur son arrivée envisagée au Secrétariat Fédéral. Personne ne connaîtra jamais le contenu du rapport que je t’ai fait. Ce seront des années de grande complicité pour nous. Ainsi en 1991 tu souhaiteras te présenter à la Chambre où je siégeais depuis 10 ans. J’ai donc accepté de me présenter au Sénat(ce qui ne sera pas simple, il y avait d’autres candidats).

ECOLO, en bonne partie grâce à toi, était devenu un parti important, un parti qui comptait, un parti avec lequel on pouvait s’associer.

Les années 90 seront jalonnées de moments importants : notre participation-réussie- aux négociations pour la réforme institutionnelle de 92-93, les Etats Généraux de l’Ecologie Politique (où nous avons rencontré tous les interlocuteurs de la société civile organisée) et enfin en 1999 les négociations et l’entrée dans les majorités fédérale, wallonne, germanophone et communautaire francophone.
Les années 90 ont vraiment été ta décennie, où tu as montré toute l’étendue de tes talents politiques. Elles devaient se terminer par une terrible volte-face du destin.
1999, après le succès, ce fut l’épreuve, d’abord quand certains, en interne, s’opposeront à ce que tu deviennes ministre, mais surtout ce fut le drame, la mort de Laurie, fauchée par une méningite foudroyante lors de vacances en Croatie.

Tu en es sorti dévasté et plus rien, après, n’a été pareil. Tu as continué à jouer un rôle plus discret de conseil, de soutien, en particulier vis à vis des jeunes.

Sans tout ton travail, ton talent, ECOLO existerait bien sûr aujourd’hui, mais il serait différent, moi aussi je serais différent.

Demain nous allons reprendre notre vie. Tom va construire la sienne et il peut compter sur la force de caractère et le soutien de Renata, sa mère.

Nous allons continuer à essayer de rendre le monde un peu meilleur. Oui, nous allons continuer, de toutes nos forces, je te le jure.

Tu as fait ta part, plus que ta part.

Merci, Jacky.